Le livre du vendredi: Les Fidélités successives

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de Nicolas D’Estienne D’Orves

Un livre de guerre pour commencer l’année : c’est vrai que j’aurais pu choisir plus gai. Mais ce roman, que j’ai lu il y a quelques temps déjà, a été un véritable coup de cœur tant par son histoire que par le style d’écriture de l’auteur.

Guillaume Berkeley est un jeune Lord anglais qui vit sur l’île de Malderney que possède sa famille. Il grandit dans l’ombre de son frère Victor aussi fort et sûr de lui que Guillaume est fragile et sensible. Après une déception amoureuse, Guillaume quitte l’île sur un coup de tête et se retrouve propulsé dans le Paris de l’occupation. D’opportunités en rencontres, notre héros va s’enfoncer, presque malgré lui, dans le monde sombre de la collaboration.

Les fidélités successives se distingue des romans de guerre classiques non seulement car il se place, et c’est assez rare, du point de vue des partisans de la collaboration mais également par l’anti héroïsme du personnage principal. Comme le titre du roman, Guillaume est un oxymore permanant. Collaborateur puis résistant, lâche et héros malgré lui, il n’est ni bon ni mauvais mais d’une neutralité particulièrement dérangeante.

L’auteur nous décrit le Paris des « collabos » comme un monde de luxe et de débauche où la nourriture et l’alcool abondent pendant que le reste de la population meure de faim. Un monde où les valeurs, et notamment celle de l’argent, sont complètement renversées par la guerre. Un monde loin des champs de bataille, où toutes les occasions sont bonnes pour profiter de la situation et où l’on peut ignorer ce qui se passe dans les camps de concentration (ou du moins faire semblant). La violence de la guerre ne rattrape les collaborateurs qu’au moment de la libération lorsque ces derniers sont fusillés par des citoyens lambda sans autre forme de procès et où les femmes sont rasées et humiliées. Une violence subite, extrême, qui explose comme une bombe après tant d’années d’occupation, de privation, de douleurs et d’atrocités.

J’ai aimé le malaise provoqué par ce livre car même si les actions de Guillaume sont profondément méprisables, le personnage exerce une véritable fascination sur le lecteur qui finit par s’y attacher et tente de lui trouver des excuses. En effet, Guillaume peut sembler à première vue innocent dans la mesure où il ne semble jamais être totalement responsable de ses actions : naïf et faible, il est manipulé en permanence par ceux qui ont plus de pouvoir que lui mais également par ses amis et sa famille. Guillaume brille par son absence de choix. Il se laisse entraîner au fil des rencontres et des opportunités et laisse les autres faire les choix à sa place. Or, dans le Paris de l’occupation ne pas choisir est souvent un crime.

La richesse du personnage et le style impeccable de l’auteur auraient suffi à faire des Fidélités successives un excellent roman mais il faut ajouter à ça un scénario très bien ficelé avec de nombreux retournements de situation qui tiennent le lecteur en haleine jusqu’au bout et parviennent à le surprendre même à la dernière page.

Un excellent roman, original, riche, bien écrit et complètement addictif. Bref : un sans-faute !

Lucie

Article publié initialement le 2 janvier 2015

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