Le livre du vendredi: Le soir, Lilith

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de Philippe Pratx

Merci à Philippe Pratx (d’avoir remarqué notre petit blog !) de nous avoir contacté afin de nous faire découvrir son premier roman, Le Soir, Lilith, paru en tout début d’année aux éditions l’Harmattan.

« 23 novembre 1924. Lilith Hevesi, star hollywoodienne du cinéma muet, est retrouvée morte dans le château où elle s’est retirée au fin fond de la campagne hongroise. Quarante ans plus tard, alors que le narrateur, ancien ami, amant, mentor de l’actrice aux multiples visages, tente de dépoussiérer son passé, ses recherches sont perturbées par une femme qui éveille rapidement ses soupçons…

De faux airs de roman noir sous lesquels se dessine un portrait fantasmé, une autopsie poétique… Lilith est un fantôme qui arpente les différentes strates du temps dans des mondes aux frontières incertaines dont on ne cesse de gratter la pellicule inflammable. Femme-enfant ou femme fatale, animal ou magicienne, elle coule de chaque mot sans qu’on puisse jamais la saisir. Sous le masque de l’enquête, les fragments – extraits de journal intime, de scénarios ou de coupures de presse – se heurtent sans jamais s’emboîter parfaitement, et finissent par s’assembler dans une tortueuse peinture expressionniste. » – Quatrième de couverture.

Bien qu’ayant étudié le cinéma, je ne serais peut-être pas allée vers un tel livre de moi-même, je suis donc heureuse d’avoir pu le découvrir de cette manière.

Ce qui m’a frappé dès le départ, c’est le style de l’auteur. Aux premiers abords il paraît lourd et guindé mais ce serait une erreur de s’en formaliser car au fil des chapitres, sans s’en rendre compte, on prend le rythme, la mélodie. On finit par ajuster notre respiration, comme lorsqu’on aborde un poème, on s’habitue à la forme des phrases et ainsi la lecture devient aisée.

La narration en patchwork perd un peu le lecteur parfois. On passe des pensées du narrateur à des lettres, à des synopsis ou des descriptions de séquences de films, à des extraits de journaux intimes ou encore des coupures de presse. Et si l’intrigue se joue sur deux époques bien définies, tout ce qui concerne le personnage de Lilith est organisé en un savant désordre qui entretient le flou, le mystère autour d’elle. C’est efficace mais cela perturbe aussi la fluidité du récit et peut freiner l’identification du lecteur aux personnages. Ce qui a été mon cas.

Si je n’ai pas eu d’empathie particulière pour les protagonistes et que, du coup, le dénouement de l’intrigue m’importait peu, je me suis volontiers laissée balader dans cette ambiance vieillie et sombre, cette atmosphère de coulisses de tournage des années 1920 créé par Pratx.

J’ai aimé l’abondance de références cinématographiques, bien sûr, mais aussi littéraires et mythologiques. Les métaphores, les allégories, les mises en parallèle des idées, des images, les ponts reliant différentes formes d’art sont omniprésents et rendent la lecture interactive, éveillant sans cesse la curiosité du lecteur si ce ne sont ses propres connaissances.

J’ai aussi aimé que Pratx fonde sa fiction dans la réalité. Les films dans lesquels Lilith a joué n’ont jamais été tournés, ces réalisateurs et certains producteurs ont été inventés de toute pièce et pourtant ils côtoient des figures emblématiques telles que Zukor, Lon Chaney, Mary Pickford ou encore George O’Brien (coup de cœur personnel !!*). Alors que le récit se joue, on les aperçoit en arrière plan, du coin de l’oeil, on les frôle de l’épaule sur les plateaux de tournage, dans les allées des studios et c’est ce qui fait le charme de ce livre.

Pour conclure, même si la lecture de Le Soir, Lilith, n’est pas forcément simple (même le dossier de presse nous met en garde : « amateurs d’easy readings’abstenir ») je suis heureuse d’avoir pu découvrir un roman unique et un style avec tant de personnalité.

Citations :

« Comme le Christ n’est qu’un ordinaire fils de charpentier sur les chemins poussiéreux de Judée, et qu’il est Dieu, aussi. Elle s’approche dans le clair-obscur du soir. »

« Qu’il est loin le temps de mon enfance où je me levais le matin avant le jour et courais jusqu’au soir ! Comme alors je sentais battre à mes tempes le sang épais de ma réalité ! »

« Je parle du pouvoir poétique des mots sur les choses. Le pouvoir de changer le monde. »

*Pour ceux qui ne le savent pas encore, Sunrise de Murnau, dans lequel joue George O’Brien, est un de mes films préférés au monde! Je l’aime jusqu’au ciel.

Marion

Article initialement publié le Vendredi 17 octobre 2014

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